Une histoire
À propos de...
Strip my mind
La peinture est affaire de strates et de jeu de significations, si elle peut être dépouillée, elle n’en demeure pas moins réticente à la lecture, car dans ses déliés et ses silences, elle suit sa propre voie, ses tonalités. La peinture de Franck Oscamou est un continuum expérimental livré à son inspiration.
Ces dernières séries sont des peintures de paysage par imprégnation, un territoire longuement arpenté et dont l’artiste a mémorisé les éléments ; un condensé d’un paysage environnant, les vallées pyrénéennes, celle d’Ossau, les environs d’Escou avec lesquels il est en connexion totale car sa région natale est son terrain d’observation.
Le process de Franck Oscamou échappe à l’idée de peinture sur motif, c’est une réinterprétation, son ancrage au paysage se traduit par un ailleurs familier, le flouté de ses textures renvoie à une vision fugace et mémorielle.
Le premier passage duveteux est la première strate picturale, La modification de perception de sa peinture passe par l’apparence d’un effet digital, qui entretient un jeu entre abstraction et figuration.
Le masquage, qu’il utilise depuis peu, vient ensuite redécouper la spatialité de la toile pour une répartition qui vient entrecouper le regard et déconstruire le paysage, avec une présence évanescente que l’on soustrait par un jeu de verticales. Ce chemin de la trace mémorielle à une structure contrainte, imposant un système formel de bandes verticales comme retenue visuelle, ouvre de nouvelles perspectives.
Peindre par soustraction et par séquençage visuel permet un détachement du sujet, une déréalisation en quelque sorte qui rend la lecture de l’image partielle. Un principe de partiellisation déjà présent dans ses portraits et ses nus, dans la présence des blancs de la toile et dans la recherche de l’inachevé.
Georges Perec croyait au vertus créatrices de la contrainte formelle et à celle de la disparition, elles se manifestent ici par l’absence, la volonté d’un non finito et le mixage de techniques, qui permet à une forme de peinture plus classique de se réinventer.
Une intensité des couleurs parcourt ses images floutées, qui plongent dans l’incertitude de la création. A distant memory, paysage d’Escou ou le bosquet, plantent une gamme irisée, diluée presque fluorée, un paysage mental comme un revenant aux effets lumineux ambiguës.
L’empreinte de la réalité sur le souvenir ou du souvenir sur la réalité, permet d’effacer et à la fois de retenir les manques. Sa peinture a quelque chose d’intime, tellement viscéralement liée au quotidien, ouverte à la portée de son regard.
Observant ce nu blanc derrière ses strip bleu et rouge très contrastés dans un jeu de lignes verticales et de courbes, il se dessine un espace curve, une colline en pente douce et des virages ascendants. Le nu se dérobe, si près, si loin posant une vue totalement incomplète du sujet derrière une surface de verticales rouge sang. Odalisque propose un environnement similaire oscillant toujours entre forme et fond, et dont la figure est ravie par la grille comme en cours de désintégration. Inspiré par la mythologie autant que par la déconstruction picturale, son condensé narratif dévoile une distorsion temporelle. Mouvements et mémoire sont suspendus, des paysages et des corps émanent une mouvance successive de la lumière et du temps.
Catherine Soria Baccelli
Directrice artistique et commissaire d’exposition
Membre de CEA